C’est avec Guillaume, Justine et Damien que je suis partie sur les routes ce week-end pour une excursion guyanaise pas comme les autres : une nuit dans la réserve naturelle des marais de Kaw, la plus vaste zone humide de la France entière.

Tranchant sur la forêt omniprésente du département, les marais de Kaw s’étendent sur plus de 90 000 ha, patchwork de forêt, mangrove et savane flottante. Ils sont encadrés par les fleuves Mahury à l’est et Approuague à l’ouest et sont situés au cœur de la zone qui affiche la plus haute pluviométrie de toute la Guyane. Un spot idéal pour les férus d’oiseaux !

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Source : http://www.unesourisetdeshommes.com

Le prestataire qui nous emmène à la découverte des marais possède un carbet flottant : c’est sur ce bateau improvisé que nous passerons la nuit sur l’eau… après avoir traqué le monstre de Kaw à la lueur des étoiles.

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Le samedi matin, nous quittons Cayenne aux alentours de midi. Direction : l’embarcadère de Kaw, où nous montons à bord du carbet flottant. Situé à 1h30 de la ville, une petite route de bitume serpente à travers la forêt. Seuls à rouler à cette heure, nous avons la chance d’apercevoir sur le chemin des tamarins à mains dorées, bondissant d’arbre en arbre.

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Lorsque nous arrivons enfin aux marais, il nous reste assez de temps pour entamer le sentier de la montagne Favard. Grimpant à 200m, il domine la savane inondée… mais c’est sans compter le fouillis amazonien qui nous barre la vue. Pas de panorama possible ! Toujours est-il que le sentier nous réserve une surprise de taille : au sommet, nous découvrons une roche gravée amérindienne.

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Un artefact perdu dans la forêt ! La découverte du site, à peine protégé, est si inattendue que nous partageons l’étrange impression d’avoir posé l’œil sur un trésor…

Sur le chemin du retour, un craquement de feuilles mortes nous fait tous sursauter et nous nous arrêtons, attentifs. Il y a quelqu’un… Quelque chose. Prêt à bondir et fondre droit sur nous. Le craquement se répète, et nous nous approchons avec précaution, nous écartant légèrement du sentier. Premier réflexe : chercher dans les arbres. Un singe ? Mais notre pseudo-prédateur se déplace sur le sol, trop lent pour pouvoir fuir à notre approche.

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Étonnante rencontre !

15h30 approche et nous revenons à l’embarcadère, sac-à-dos à l’épaule. Notre carbet flottant nous y attend.

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Nous serons douze à monter à bord : le bateau, assez étroit, possède malgré tout un avantage de taille, son toit, sur lequel on peut grimper et s’asseoir, de façon à profiter d’un panorama à 360° des marais.

Nous nous élançons sur les eaux sous un ciel bleu et un soleil éclatant. Tout le monde monte sur le toit pour admirer le paysage tandis que notre guide aiguillonne notre regard vers les différentes espèces d’oiseaux qui peuplent la savane inondée.

Deux espèces communes des marais : le héron cocoï (à gauche) perché sur les moucou-moucous, plus grand héron de Guyane, et le jacana noir (à droite).

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Traversant les herbes hautes en ligne, la tête sortie de l’eau, des troupeaux de zébus défilent, nageant dans les marécages. Une ferme plus loin possède 150 têtes : nous apercevons les éleveurs quelques minutes plus tard, debout sur une pirogue, guidant les bêtes à la rame d’une rive à l’autre.

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Finalement, après deux heures de navigation, nous nous arrêtons face aux arbres, une buse posée au sommet de l’un d’eux. L’observation des oiseaux aux jumelles nous occupe un temps ; bientôt, tout le monde s’élance du toit pour sauter dans l’eau. Yeah ! Nage dans l’eau brune du marais, ciel bleu et herbes hautes pour seules limites.

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Lorsque nous remontons à bord, notre carbet flottant dérive doucement sous les lumières du soleil couchant tandis que les oiseaux filent dormir dans les moucou-moucous. Le soir tombe sur les marais de Kaw.

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Apéro et repas dans la nuit. L’heure approche… l’excitation gagne bientôt notre équipage improvisé.

Car ce soir, nous partons à la chasse. L’objectif ? Traquer le monstre des marais. Un prédateur… Deux yeux rouges brillant dans les ténèbres, une gueule sertie de dents acérées. Sa peau noire, recouverte d’écailles, le protège de la meilleure des lames et peu irait se risquer à affronter de face l’animal. Le jour, il sommeille dans les profondeurs du marais – c’est la nuit qu’il se montre, chassant pour manger. Immergé dans l’eau noire, seul l’éclat de ses yeux rouges permet de le localiser ; pour autant, la bête, en plus d’être rusée, possède une ouïe si fine qu’elle est la première à apercevoir l’intrus, rarement l’inverse.

Ce dragon aquatique des marais, c’est le caïman noir. A l’âge adulte, il peut mesurer jusqu’à 7m de long … Le plus grand prédateur du bassin de l’Amazone !

Les lumières du bateau s’éteignent et nous faisons tous silence, immobiles. Sur le toit, le guetteur veille, seul, tandis que notre capitaine tient la barre, attentif aux moindres mouvements. La torche blanche de la sentinelle va d’une berge à l’autre, sondant la lisière de la savane inondée. Parfois, entre les herbes hautes, la lampe capte un point rouge qui s’embrase sur son passage. L’œil du monstre… Brillant comme une bille écarlate au contact du faisceau. Un signe discret de la torche et notre carbet flottant s’approche, silencieux, glissant sur les eaux noires du marais. Trois tentatives, trois échecs : la bête, captant les ondes qui déforment la surface, a plongé.

La traque se poursuit.

Dans les marais, vivent deux espèces principales de caïmans : le caïman noir, de plus en plus rare car longtemps chassé pour son cuir, aux yeux rouges et à la peau écailleuse couleur d’encre ; et le caïman à lunettes (1,80m de longueur en moyenne) qui tient son nom de la mince crête écailleuse qu’il a entre les yeux.

Et puis, suite à un nouvel essai, notre guide parti chasser la bête parvient enfin à la tirer hors de l’eau. Il revient en canoë jusqu’au carbet et ramène à bord… un caïman à lunettes âgé de trois ans environ.

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A bord, les opinions sont partagées. Une partie de l’équipage s’émerveille devant l’animal et tient absolument à se prendre en photo avec lui, le tenant fièrement dans leurs bras ; les autres, plus distants, ne cachent pas leur aversion grandissante à voir le reptile baladé de mains en mains comme un trophée.

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Le jeune caïman, en état de choc, est relâché à l’eau après quelques photos. D’après notre guide, si attraper les animaux et les mettre en condition de stress est condamnable, c’est aussi une manière de sensibiliser les gens aux exterminations en masse du reptile et démystifier le mythe du « monstre » prédateur… finalement proie de l’Homme pour finir en sacs et chaussures.

Chasseurs ignorants jusqu’alors, nous devenons alors spectateurs. De la même manière, la sentinelle éclaire le marais de sa torche, repère les yeux rouges qui brillent dans la nuit à la lueur du faisceau et notre bateau s’approche le plus silencieusement possible, de façon à pourvoir observer d’autres caïmans dans leur milieu naturel.

La plupart du temps, les animaux plongent à notre approche mais nous avons la chance d’en voir quelques autres depuis le toit du carbet.

Nous finissons par jeter l’ancre près d’un petit îlot de moucou-moucous. Les couchettes sont descendues et pourvues de moustiquaire : au lit !

Nous nous réveillerons quelques heures plus tard au lever du soleil, les cris des singes hurleurs résonnant au loin. La version guyanaise du chant du coq, s’entendant trois fois sur quatre en forêt aux aurores. Le cri en question ? Difficile à décrire… Entre le grondement bas d’un fauve filtrant à travers ses crocs, le souffle du vent qui s’engouffre dans une grotte et un fêtard qui vide son estomac dans les toilettes en fin de soirée.

Pour clarifier la situation, une vidéo paraît indispensable :

 

Les singes hurleurs sont des singes bien plus grands que les saïmiris – compter une taille de 1m pour un adulte – et au pelage roux. Appelé aussi baboune en Guyane, il peuple la forêt d’Amérique tropicale.

kaw_guide Hurleur roux – en 1e page de l’indispensable Guide de la Guyane

Le retour se fait sous un soleil de plomb : je monte sur le toit pour profiter une dernière fois de la vue.

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Vers 9h du matin, nous sommes revenus à l’embarcadère et saluons le groupe pour poursuivre l’aventure avec une petite partie. Pas trop loin se situe le début d’un sentier qui mène droit aux chutes Patawa : reprenant les voitures, nous nous garons à l’entrée du chemin et descendons à pied dans la forêt. La pente est raide : à mi-chemin se fait entendre le bruissement d’une petite crique. Et, après une longue descente, nous arrivons face aux chutes.

Bien plus impressionnantes que celles de Fourgassier, les cascades Patawa se succèdent, empêchant toute baignade. La dernière chute, plus haute que les précédentes, est l’occasion d’une bonne douche bien fraîche ! Tous en maillot ! Au-dessus de l’eau claire des morphos aux couleurs éclatantes papillonnent d’une rive à l’autre.

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Retour à Cayenne après un week-end haut en couleur !