Il nous arrive de l’abhorrer, et pourtant Paris regorge encore de pépites, crépitant dans leur enceinte de bitume et d’air vicié. Depuis mon retour dans la cité des Columbidés, nombre d’entre elles ont illuminé mes journées.
Cet article n’a pas vocation à être un plaidoyer, mais bien plutôt un recueil de beautés qui m’ont touchée et intriguée.
Autant mettre cela derrière nous d’entrée de jeu, il ne sera pas question ici de Tour Eiffel. Cette photographie l’illustre bien, en la maintenant au loin, comme noyée sous la végétation qui semble la cerner de toute part. Nous sommes au cœur de l’île St Germain, petit joyau de verdure de vingt hectares où il fait bon se perdre et bouquiner sous les feuillages. Les sons de la ville ne s’y distinguent pratiquement plus, recouverts par le chant des oiseaux.
En bordure de Paris, à Issy-les-Moulineaux, ce parc départemental n’a trouvé sa vocation actuelle qu’au début des années 1980. Au VIème siècle, l’île était la propriété de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés. Les moines y cultivaient leurs potagers, dont subsiste aujourd’hui un verger. Divers projets démesurés de quartier résidentiel menacèrent tour à tour les terrains, avant que l’armée n’y campe à partir de 1873, tandis que la partie en aval de l’île hébergeait près de 2 000 habitants, une quarantaine de commerces et diverses activités polluantes.
L’opération de réhabilitation lancée à la fin des années 70 combina création d’espaces verts dédiés aux loisirs en amont et « laboratoire d’architecture » en aval, notamment la construction d’immeubles signés Jean Nouvel et Philippe Starck.
Retour sur les pavés: l’architecture est parfois surprenante dans la capitale, comme ici pour l’Institut d’Art et d’Archéologie, rue Michelet. Ce bâtiment, édifié de 1925 à 1930 par l’architecte Paul Bigot et classé Monument Historique, est l’un des rares exemples de l’Entre-deux-guerres parisien, avec ses inspirations éclectiques, mélange d’influences siennoise, florentine et d’Afrique noire musulmane. Sa frise composée de moulages en terre cuite de sculptures grecques, romaines, ou encore médiévales, complète sa patine hétéroclite.
Après avoir abrité la bibliothèque de Jacques Doucet, collectionneur et mécène, jusqu’en 1990, l’édifice fut affecté à l’Université Paris Sorbonne.
A deux pas du Jardin du Luxembourg, au 2, avenue de l’Observatoire, l’ancienne École coloniale aux évocations arabisantes se dresse allégrement. Ce sont aujourd’hui des bâtiments de l’ENA.
Patio du 2, avenue de l’Observatoire. Auteur de la photo: Stéphane Touraine
Au Jardin du Luxembourg, un lion ne tente même plus de rugir sous son cuivre oxydé, fondu dans le vert qui l’environne.
Prenons un peu de hauteur, par cette belle après-midi au crépuscule de l’été. Depuis les Galeries Lafayette, l’Opéra s’extrait de la masse bétonnée et tend vers les cieux azurés ses statues chevaleresques.
Coupole des Galeries Lafayette
La spectaculaire coupole des Galeries Lafayette, symbole de ce haut-lieu digne d’un roman de Zola, nous est offerte par… l’École de Nancy!
Clairement inscrit dans l’Art Nouveau, ce sont les artistes majeurs de ce mouvement qui ont contribué à la décoration du monument. La coupole culmine à 43 mètres de haut, et l’on doit au maître-verrier Jacques Grüber les vitraux d’un style néo-byzantin.
Autrefois, un escalier monumental s’étirait jusqu’au sol, inspiré de celui de l’Opéra de Paris. Sa rampe était signée Louis Majorelle, à qui l’on doit également les ferronneries des balcons.
L’escalier monumental, ôté en 1974. Source: Archives Galeries Lafayette
Autre lieu, toujours une coupole: celle du vestibule d’entrée du Petit Palais. Conçu pour l’Exposition Universelle de 1900, ce lieu a été pensé comme une vitrine glorificatrice de la Ville de Paris, et les peintures aux accents fauves d’Albert Besnard faisaient partie de ce programme.
Péristyle du Petit Palais
Grand escalier du Petit Palais
Ophelia, Paul Albert Steck, 1895, exposé au Petit Palais
Nouvelle escale, cette fois en terre orientale: le musée Guimet, musée national des arts asiatiques, semble être une boîte à musique délaissée par quelque enfant aux proportions démesurées.
Les belles caryatides du musée Guimet
Vue sur la bibliothèque depuis la rotonde des caryatides
Construite lors de la création du musée Guimet en 1889 dans le style néo-pompéien, la bibliothèque abrite une collection considérable, constituée de livres et revues en toute langue, tant européenne qu’asiatique, et dépassant les 100 000 volumes.
Éventail « Fleurs de lotus et joncs odorants », Yun Shouping, dynastie Qing (1644-1911), musée Guimet
« Voici qu’est venu le meilleur de tous les êtres, l’omniscient, le très sage, tel un lotus surgi d’un lac de connaissance, inaffecté par la boue des passions. »
Buddhacarita XIV
« Crépuscule, le lac », Kawai Gyokudô, Japon, avant 1929, musée Guimet
Source: jeveuxtoujoursetreailleurs.wordpress.com
« Dame de la rivière Xiang », Zhang Daguian, musée Guimet. Source: photo.rmn.fr
Cette œuvre s’inspire du grand poème de Qu Yuan (340-278 av. J-C), « les Neuf Chants ». La dame de la rivière est l’une des épouses du mythique empereur Shun, décédé auprès de la rivière Xiang (à plus de 100 ans, tout de même!). Accablée par le chagrin, elle se donna la mort dans ladite rivière. Devenue déesse titulaire du fleuve, les poètes la rencontrent parfois sur ses rives. Elle s’est muée en un symbole de désir amoureux, nostalgie et sacrifice.
Le motif de cette peinture renvoie au passage suivant du poème:
« Le doux murmure du vent d’automne,
Sur les vagues du lac Dongting, les feuilles tombent. »
Je salue ce retour en matière ! Non, Blog-Trotteurs n’est pas mort ! Très belles photos
Puisque plusieurs de nos membres sont actuellement dans la capitale, je te propose d’ouvrir une section Blog-Trotteurs en France –> Paris. Qu’en penses-tu ?
Merci! 😀 Tu remarqueras que j’ai manigancé ce retour en mode ninja, pour mieux te surprendre, mon enfant…
Oui, je crois qu’il va falloir s’y résoudre. Plus sérieusement: bonne idée, Bourrique!
Waah, j’ai ma section rien qu’à moi! 😀 Tu vas y contribuer, hein? Ne me laisse pas toute seule!
Au fait, ce serait peut-être mieux de la rebaptiser Ile-de-France, cette section, maintenant que j’y réfléchis. L’Alsace et la Lorraine sont des régions, après tout.
Modification réalisée ! Je suis justement en train de réfléchir à un article 😉
Super, merci!
J’ai des photos de Versailles, si jamais ça te tente de faire un article dessus. Mon cadrage était encore plus périlleux qu’aujourd’hui, mais les jardins ont été à peu près respectés par mon objectif