Bahir Dar… La capitale de la région Amhara. Située à 1h30 de route de Debre Tabor, il m’est facile d’y séjourner un week-end sur deux.
Ville florissante et moderne, elle est bâtie au pied du lac Tana, le plus grand d’Ethiopie. D’une certaine façon, je retrouve un peu mes repères européens dans Bahir Dar : les bâtiments, les parcs et jardins, le soin accordé aux lieux publics, et une proportion non négligeable d’étrangers venus habiter ici ou de passage. Mais toute mon attention se porte sur l’environnement de cette ville coup de cœur. En effet, l’eau du lac Tana permet aux rues et artères de se métamorphoser en forêts de palmiers et aux parcs de fleurir. Une promenade autour du lac relie les grands hôtels riches de la ville, aux terrasses somptueuses et aux belles allures. L’occasion de se poser au bord de l’eau, face à la faune et flore du lac, et oublier tout le reste.
Ce week-end, j’avais décidé de partir à la découverte des îles du lac Tana. Ou plutôt une en particulier, l’île Debre Maryam et son monastère orthodoxe. Accessible à pied, il faut traverser un morceau de campagne, à l’est de la ville, et atteindre les berges sauvages du lac pour arriver face à elle.
Je m’y suis rendue avec Solomon, un ami éthiopien, qui connait Bahir Dar comme sa poche.
C’est donc à pied que nous avons tous deux quitté en milieu de matinée la route principale pour suivre un chemin de terre battue entre les arbres. Quelques maisons de bois et de tôles ; le centre riche de Bahir Dar est décidément bien loin ! Sur le sentier, des parcelles verdoyantes : on y cultive bananes, avocats, mangues et papayes à foison. Puis, un peu plus loin, des champs entiers de tcha’t, cet arbuste si célèbre en Ethiopie pour ses feuilles. Les jeunes pousses vertes sont coupées et vendues fraîches au marché noir : mâchées soigneusement, elles libèrent une drogue puissante. En région Amhara, la consommation est interdite mais ce n’est pas le cas à l’Est du pays (telle la ville d’Harrar) où tous sans exception mâchent tcha’t à longueur de journée. A Debre Tabor, on vend la drogue sous le manteau. Les étudiants en sont les plus demandeurs : mâchées en quantité suffisante, les feuilles de tcha’t leur permettent d’étudier sans compter les heures et passer des nuits entières à réviser.
Enfin, après une agréable demi-heure de marche à battre la campagne, nous arrivons face au lac. Loin de la ville, les berges sont plus belles que jamais.
Au bord de l’eau, repose la pirogue traditionnelle tankwa, toujours utilisée par les habitants des îles. Bâtie en papyrus, les pêcheurs embarquent au large le matin puis reviennent avec leur précieuse cargaison de poissons, laissant leurs tankwas sécher debout au soleil.
Quelques mots sur le lac Tana…
Le plus grand lac d’Ethiopie (3630 km²) constellé d’îles ! Il est la source du principal fleuve du pays, le Nil Bleu (ou abay en amharique) qui rejoint le Nil Blanc à Khartoum au Soudan.
Alors que la plupart des lacs de la vallée du grand rift s’ouvre sur un cratère ou une faille, le lac Tana s’est formé dans une dépression résultant de l’élévation des chaînes de montagnes alentours : la chaîne du Simen au nord, les monts Guna à l’est peu loin de Debre Tabor, et les montagnes de Choke au sud.
Bien qu’il soit le plus vaste lac du pays, il n’en reste pas moins peu profond (9m en moyenne) et donc vulnérable aux sécheresses ou au pompage de l’eau par les hommes. Lors de la saison des pluies, le Nil Bleu qui s’y abreuve grossit de façon phénoménale : les chutes de Tis Issat n’en sont que plus belles ! Je m’y rendrais un prochain week-end, sûr et certain !
Pour nous rendre sur l’île Debre Maryam, il faut traverser un minuscule morceau de lac. Le bateau qui effectue la traversée nous y amène en quelques minutes seulement.
Le monastère orthodoxe Debre Maryam est bâti au centre, protégé par des murets de pierre et entouré d’arbres où batifolent mille oiseaux surprenants. Nous n’osons pas pénétrer à l’intérieur sans autorisation et jetons simplement quelques regards curieux à travers portes et fenêtres du bâtiment.
Nous y admirons tableaux religieux, portraits d’anges ou encore tambours (kebero en amharique) utilisé lors des grandes cérémonies.
L’endroit est calme, nous sommes les seuls visiteurs. La plupart des groupes viennent en bateau depuis le centre-ville et vont d’île en île, visitant chaque monastère du lac. Ici, venus par nos propres moyens, nous pouvons prendre notre temps et explorer les lieux.
Alors que nous quittons l’enceinte du monastère, un cri rauque me fait soudain lever la tête. Stupéfaction : je découvre un oiseau noir, au bec préhistorique, comme jamais croisé auparavant ! Pas de doute, il s’agit d’un corbeau corbiveau, un vrai !
Quel étrange oiseau !
Nous partons explorer l’île, quittant le chemin principal pour longer les berges et faire le tour de ce bout de terre aux pierres de lave. Les maisons – une vingtaine – sont espacées les unes par rapport aux autres, chacune avec un potager assez décent pour vivre de leurs productions.
Nous nous arrêtons au nord de l’île. Le panorama sur le lac laisse le souffle coupé : l’horizon entier baigne dans l’eau, Tana nous apparait comme un véritable océan. Au loin, à l’ouest, quelques îles se dressent, entièrement recouvertes de végétation, le toit des monastères se découpant à travers la cime.
Alors que nous admirons le lac, Solomon repère un point noir dans l’eau, très loin des berges. Il apparait et disparait brusquement sans raison. Un oiseau qui plonge ? Une branche ? J’utilise mon appareil photo pour zoomer et là, surprise : un hippopotame !
On les trouve plus généralement dans les eaux du fleuve – le Nil Bleu est leur habitat préféré. Mais celui-ci nage en plein milieu du lac !
Notre nouvel ami finit par plonger pour de bon, probablement partis explorer les fonds marins, et nous le perdons de vue. Retour au cœur de l’île. Avant de repartir, nous faisons une pause déjeuner au seul restaurant de l’île, une petite bicoque traditionnelle où les habitants se retrouvent pour boire le tedj, la boisson locale (de l’alcool au miel, léger et sucré) que j’avais déjà goûtée à Gondar. Vraiment délicieux !
Lac oblige, on nous sert deux poissons frits accompagnés de wasé, sauce rouge épicée. Pas de couverts : comme il est de coutume en Ethiopie, on mange avec ses doigts. C’est bien la première fois que je déguste un poisson de cette façon ! Top !
Retour à pied jusqu’à l’entrée de la ville, sous le soleil brûlant de l’après-midi.
Pour finir en beauté cet article, un ultime diaporama photos… A bientôt pour de nouvelles aventures !
Wow, sublimissime article! Je reviendrai écrire un commentaire plus développé après mon retour à Sevilla (étant actuellement à Lisboa afin de 1.visiter cette magnifique ville et 2. revoir mon petit frère quelques jours). Gros bisous Aurélie!
Km2, pour la surface du lac, non? Ça me parait petit, sinon…
Bien vu Flora !
C’était un test afin de vérifier que nous lisions bien tout! 😉
Hâte de voir ta découverte de ces fameuses chutes!
Un corbeau corbiveau, un hippopotame, et des oiseaux à foison: waah!
Ton repas fait envie, miam.
Y a-t-il un monastère par île, ou davantage? Et combien d’îles?
Le lac abrite un peu moins de quarante îles, si je ne me trompe pas, mais toutes ne sont pas habitées par des moines (une vingtaine peut-être ?). Les excursions touristiques emmènent les voyageurs sur quelques-unes, avec les plus beaux monastères.
D’acc, merci pour ta réponse! J’ai également visité un sublime monastère dernièrement, mais vidé de ses moines pour le coup. Les excursions accompagnées d’un guide ont-elles l’autorisation de rentrer, ou bien est-ce un coup d’oeil depuis l’extérieur comme tu le décrivais?
Je suppose qu’il est possible de pénétrer à l’intérieur en respectant les règles – sans toutefois entrer dans le megdes, la section au cœur des églises réservées aux prêtres et aux diacres.
Où était situé ton monastère ? Dans les alentours de Séville ?