Beloved, Toni Morrison (1987)

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Toni Morrison – Source: http://www.babelio.com/users/AVT_Toni-Morrison_7386.jpeg

Vibrant, profondément humain, ce roman nous renvoie à nos incohérences et nos méfaits, et résonne particulièrement dans ce contexte troublé où les « affaires Ferguson » n’ont de cesse de se reproduire outre-Atlantique. L’après 11 janvier et les dernières élections semblent être d’autres signaux d’alerte puissants nous incitant à déjouer ce genre de situations.

Toni Morrison, mythique romancière américaine, nous rappelle où loge notre humanité, notre orgueil et nos firmaments. Ce livre est beau, tout simplement.

Loin de la froideur des faits détachés de toute réalité, elle nous ancre dans des destins brisés, des êtres profondément blessés et qui ont chacun leur manière unique de vivre après ces traumatismes. Ses propres mots sont comme suit:

« I wanted to show the reader what slavery felt like, rather than how it looked. »

Dans Beloved, nous suivons ainsi les destinées de trois femmes noires suite à la Guerre Civile (1861-1865), dans l’Ohio: Sethe, sa fille Denver et Beloved, personnage dont je ne révèlerais pas l’identité, afin de ne point gâcher l’effet de surprise.

Le thème central de Beloved est en définitive le lien intangible entre les vivants et les morts, le dialogue qui peut s’établir entre eux, et les méandres qui conduisent de l’oubli à la réminiscence.

En s’inspirant d’un fait divers qui avait défrayé la chronique en 1856, Toni Morrison nous fait vivre et ressentir les mesures désespérées auxquelles les ex-esclaves ont dû se résoudre pour sauver ceux qu’ils aimaient d’endroits et de personnes emplis d’horreur.

Le véritable personnage central de ce livre n’est pas Beloved, contrairement à ce que le titre du roman pourrait laisser croire, mais bien Denver, dont les circonstances de naissance incroyables sont un refrain, une comptine attachante nous leurrant. Nous ne prêtons de fait pas attention à l’être vivant qu’est Denver, jusqu’à ce qu’elle se révèle une force salvatrice dans l’adversité.

En définitive, rien de ce que je pourrais vous en dire ne saurait être à la hauteur pour chanter les louanges de ce roman, et dévoiler son intrigue ferait croire à une simplicité trompeuse. C’est la maîtrise de l’auteure qui lui permet de frapper et d’emporter, dans le sillage de robes colorées et d’ombres unies.

Toni Morrison a remporté le Prix Pulitzer pour Beloved, avant le Prix Nobel de Littérature en 1993. Ce roman m’a amplement donné envie de découvrir le reste de son œuvre, qui promet d’être tout aussi puissant et intemporel.


Les articles dédiés à Toni Morrison qui contiennent des interviews sont passionnants, et j’en citerai deux qui m’ont particulièrement plu:

-Un récent article du New York Times qui brosse un portrait très touchant: http://www.nytimes.com/2015/04/12/magazine/the-radical-vision-of-toni-morrison.html?_r=2

-Un échange à bâtons rompus sur des thèmes transversaux à ses livres: http://www.theparisreview.org/interviews/1888/the-art-of-fiction-no-134-toni-morrison


PS: J’ai par ailleurs découvert qu’un film adapté du roman Beloved était sorti dans les années 90, avec notamment Oprah Winfrey dans le rôle de Sethe. Ne l’ayant pas vu, je ne peux juger de sa qualité, mais il semble assez fidèle au livre, d’après la bande-annonce seule. Sa page sur IMDb: http://www.imdb.com/title/tt0120603/ (attention à la description, c’est un grand spoiler!)